Victor Klemperer
LTI - Lingua Tertii Imperi, la langue du IIIe Reich
Né du journal tenu clandestinement par le philologue juif berlinois entre 1933 et 1945, les douze années de l'hitlérisme, ce livre est un "manuel de résistance", selon Alain Brossat, une réflexion sur le langage totalitaire qui va au-delà du nazisme, ce fruit mortellement vénéneux de la rhétorique impudente d'un Führer qui "ne mentait jamais" ! Car la langue ne ment pas...
Nous connaissons la suite de l'Histoire ! Or malheureusement les hommes n'ont jamais été capables d'en tirer les leçons, ou sinon nous aurions un aujourd'hui meilleur qu'hier et un peu moins bon que demain. Ce qui est loin d'être le cas. D'ailleurs certains aimeraient bien la réécrire...
Du reste ce qui se passe depuis 15 ans en Italie est la preuve accablante de ce constat funeste, un véritable acte d'accusation que brandiront les générations futures en demandant à leurs aînés pourquoi ils ne firent jamais rien pour arrêter Silvio Berlusconi !
Oui, pourquoi ? Je me le demande.
Pourquoi le peuple italien dans sa majorité est-il comme hébété, pantelant sous les coups de boutoir de ce charlatan qui passe ses jours et ses nuits à vendre de la merde au peuple ahuri en lui faisant croire que ce sont des bouchées au chocolat, de ce fanfaron crâneur et manipulateur de mots et de consciences qui a mis toute son intelligence au service de ses seuls intérêts et de ceux qui se prosternent devant lui ou devant qui lui se prosterne, de ce diseur de bonne aventure qui poursuit avec un entêtement acharné son incessant travail de sape de la démocratie, lentement mais sûrement mise à mal, au point qu'elle risque bien de ne jamais s'en relever de ce côté des Alpes ?
Oui, pourquoi ? Et pourquoi personne dans les soi-disant démocraties environnantes ne dénonce jamais les incommensurables méfaits de cet énergumène ?
Qui a déjà la mainmise sur trois des quatre pouvoirs de l'État. Et qui s'apprête à faire fondre incessamment son emprise sur le quatrième : la "Justice", ou ce qu'il en reste, seul pouvoir dont des pans entiers lui échappent encore, mais pour combien de temps ?
Petite piqûre de rappel sur Wikipédia :
La séparation des pouvoirs dans les États "modernes" est un principe de répartition des différentes fonctions, confiées à différentes composantes de ce dernier. On retient le plus souvent la classification de Montesquieu, appelée Trias Politica :Le quatrième pouvoir étant bien évidemment l'information. Or Berlusconi noyaute déjà la grande majorité des médias, presse et télés, mais pas uniquement (puisqu'il noyaute également une grande partie du capitalisme italien, d'Alitalia a Mediobanca...), comme l'explique fort bien Marco Travaglio dans son "passaparola" hebdomadaire, nouvelle forme de samizdat numérique :
- le pouvoir législatif, confié au parlement ;
- le pouvoir exécutif, confié au gouvernement, à la tête duquel se trouve un chef d'État et / ou de gouvernement ;
- le pouvoir judiciaire, confié au juge.
Retranscription intégrale en italien et en anglais.
C'est d'ailleurs pour ça qu'en ce début d'année Berlusconi et sa troupe n'ont eu de cesse d'annoncer la (très) prochaine "réforme de la justice", dans l'intérêt exclusif du bon peuple, il va sans dire,et même s'il semble avoir fait marche arrière sur les écoutes téléphoniques, après s'être fait coincer en train de magouiller avec Sacca, ex-directeur de la RAI, pour placer ses soubrettes et que sais-je encore... Répugnant !
Innombrables sont les témoignages irréfutables de combien la langue de Silvio Berlusconi est une langue fourchue, capable d'affirmer dans un rictus, mais sans rire, qu'il fera de la lutte contre la fraude fiscale une de ses priorités (lorsque son empire comptait déjà des dizaines de sociétés off-shores qui n'avaient aucun autre but...), qu'il a fait tout ce qui était en son "pouvoir" pour sauver Enzo Biagi, qu'il est à l'œuvre pour construire une classe politique "irrépréhensible", ou encore de hurler sans sourciller que les juges sont un cancer et les magistrats des fomentateurs de coups d'état, voire des métastases de la démocratie, etc. etc., je pourrais dérouler à n'en plus finir l'inventaire de ses mensonges et de ses écarts de langage...
Mais tout ça n'est qu'un début. Car le triste sire met déjà en place ses pions pour son prochain objectif : la présidence de la République. Dernier rempart contre ses assauts pour démanteler la constitution italienne, une fois qu'il réussira à s'emparer de la Présidence en s'appuyant sur son courant politique dominant (ce qui, d'ailleurs, donne actuellement lieu à un furieux marchandage avec Bossi, fédéralisme contre présidentialisme...), l'Italie sera définitivement à sa botte. Et soyez sûrs qu'il l'utilisera, sa Botte, pour mettre son pied au cul à plus de 60 millions d'italiens et de stranieri qui habitent le Bel Paese !
Même Gelli - dont la vieillesse maudite se réjouit encore de voir tout le chemin parcouru par l' « apprenti maçon » (qualification "prophétique" s'il en est, puisque sur les listes de la Loge Propaganda 2 la profession de Berlusconi était "apprendista muratore"), réalisant à marche forcée son Plan de Renaissance démocratique -, n'aurait pu ni su rêver mieux que de voir un jour l'avènement de cette "dictature démocratique", de ce "régime légitimement élu", non plus par des électeurs responsables, mais par une majorité de télélecteurs sous influence...
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P.S. Ce billet est le premier d'une série de deux, dont le deuxième s'intitule "Le messianisme de Berlusconi", écrit à partir de l'analyse sémantique de deux ouvrages "signés" Berlusconi, L'Italia che ho in mente et Discorsi per la democrazia (soit un corpus d'environ 158 000 mots), qui ne sont que la compilation de discours rédigés par ses nègres. Je ne sais pas encore quand je le publierai, car c'est plutôt long et délicat...
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Article interessant quoique les références et les grilles de lectures manquent à un lecteur transalpin comme moi.
RépondreSupprimerLionel,
RépondreSupprimerLà où j'ai pu j'ai mis des liens vers des infos en français, mais c'est pas toujours possible.
Si j'en parle, c'est parce que d'après moi les conséquences pour la démocratie de ce qui se passe ici ne s'arrêtent pas aux frontières italiennes, un peu comme le fameux nuage de Tchernobyl...
J-M
Comme tu le dis si bien, JM, le problème c'est qu'il se cache sous un apparence bonhomme, qu'il transpire le 'boaf... c'est pas si grave'.
RépondreSupprimerUn peu comme Napolito Benzoni dans Le Dictateur, de Chaplin...